lundi 9 octobre 2006

par Serge Horrent (alias Minfiu)

Les pourriels (spam) vous gâchent la vie ? Essayez donc au moins de ne pas en être les propagateurs inconscients. La fonction CCI (Copie Conforme Invisible, ou sa version anglaise BCC (Blind Carbon Copy) de votre « courrielleur » existe bel et bien... Utilisez-la !

Dernièrement, une amie faisait parvenir un courriel à de multiples correspondants, simultanément, en simple copie (Cc : Copie conforme). Cette pratique, malheureusement régulière, tant chez les novices que les vieux routards de l’Internet, me fait toujours rager et je tente, bien souvent en vain, d’éduquer les foules au bon usage du courrier électronique. Un des destinataires de ce courrier (qui se révèlait n’être qu’un vulgaire hoax !), a quant à lui exprimé son mécontentement par une réponse ironique autant que didactique. Tout à fait d’accord avec lui, je ne résiste pas à l’envie de vous la livrer ci-après, in extenso. C’est un peu long, mais instructif. Prenez donc le temps de la lire :)
NB : vous constaterez avec plaisir que ce monsieur connaît le Mac.

1. On ne se connaît pas tous, mais nous avons tous l’honneur d’avoir reçu récemment le MÊME message qui, même s’il est intéressant, nous fait désormais connaître l’adresse des uns et des autres.
   Alors, si j’avais l’intention de vous vendre du Prozac ou un appareil pour élargir votre pénis, je serais très heureux de connaître toutes vos adresses et m’empresserais de vous écrire plusieurs fois par jour, puis je filerais votre adresse à un ami californien qui vous proposerait aussitôt des prêts à un taux exceptionnel, des détecteurs de radars ou des boîtes de médicaments.
2. Jadis les virus étaient bêtes et méchants : ils effaçaient des fichiers, ils faisaient tourner votre disque dur en bourrique. Bref, ils ne servaient pas à grand chose.
   De nos jours, les virus sont propres et instruits : ils se mettent gentiment dans un coin de votre ordinateur, aspirent délicatement toutes les adresses e-mails qu’ils trouvent dans vos logiciels de courrier, vos documents personnels, et s’en servent pour se ré-expédier eux-mêmes, en pièce jointe, discrètement, vers d’autres machines. Si d’aventure votre PC était infecté par MyDoom, Bagle, Netsky, ces virus auraient la politesse de ne pas vous en informer.
3. Les spammeurs, qui habitent en Floride dans de magnifiques villas et roulent dans de grosses voitures accompagnés de jeunes femmes très séduisantes, détestent passer l’aspirateur : ils préfèrent siroter de délicieux cocktails au bord de piscines luxueuses. Ils ont bien compris qu’ils pouvaient s’arranger avec les créateurs de virus qui font tout le sale travail d’aspiration des adresses, ce qui leur permettrait de passer de plus longues heures à regarder le soleil se coucher sur l’Océan.
4. Je sais, c’est long à lire.
5. Quand vous envoyez le MÊME message à PLUSIEURS personnes, et que TOUTES les adresses restent visibles, vous donnez un sacré coup de pouce aux riches spammeurs. Au lieu d’envoyer 2 adresses, la vôtre et celle du correspondant qui vous connaît, vous éparpillez dans la nature des dizaines d’adresses dans des dizaines d’ordinateurs où elle n’ont à priori rien à faire (dans le mien par exemple).
   Vous faites aimablement profiter chacun de votre carnet d’adresses personnel. Pour le dire autrement, quand vous envoyez en CC (Copie Conforme) le même message à 100 personnes, vous dispersez 100 messages contenant chacun 100 adresses. Si l’un de vos messages atterrit sur un PC infecté, vous fournissez gracieusement au virus 100 adresses dont il va se servir pour se réexpédier. Pour le dire brutalement, vous faites finalement un coup assez tordu à vos amis.
6. Oui, mais c’est instructif, on me l’a dit, à deux reprises.
7. Étude de cas cas personnel : je n’ai jamais demandé à recevoir des dizaines de messages tordus chaque jour. Mon adresse ne traîne pas n’importe où, et je ne la donne pas à n’importe qui. Pourtant je passe de longues heures chaque jour à séparer l’ivraie du bon courrier qui m’est réellement destiné.
   Pourquoi ? Parce qu’elle est peut-être tombée dans un PC vérolé où elle n’avait sans doute rien à faire. Je n’accuse personne, oh non, loin de là, je fais simplement remarquer qu’aujourd’hui les adresses e-mails constituent un marché : il s’envoie, dit-on, 70 millions de spams par jour.
   Les spammeurs ratissent large, ils savent que sur cette quantité de messages, un certain nombre va générer une commande pour acheter du V.I’O*X.X, du V,1,A,G.R.A, du W|ndows X’P, du P,R’o.Z.A’C, ou du Ph’0tt0.sh0’p (la mode est désormais à la fantaisie orthographique pour déjouer les filtres anti-spam). Bref, ils peuvent espérer remplir leur tiroir-caisse sans effort.
   Plus nos adresses sont éparpillées, plus elles ont de chance de finir dans la moissonneuse-batteuse de l’oncle Sam (car le spam est illégal en Europe, mais pas en Floride).
8. Si vous avez l’âme d’un poète, observez le rythme assez régulier de la récolte des adresses : première vague de virus, ces fichiers en pièce jointe, de 40 ko environ, avec l’extension .pif, .scr, .bat ou .exe (ces derniers temps, apparition d’une pièce jointe de 76 ko et d’une autre de 32 Ko d’un dénommé Perdomo). C’est la période où il se disséminent dans la nature pour faire la récolte des adresses. Puis on commence à recevoir des spams parce que la récolte est terminée.
   Si vous êtes sur PC, n’ouvrez évidemment pas ces pièces jointes, car la contamination est immédiate et indolore. Si vous êtes sur Mac, vous pouvez vous considérer comme porteur sain ; le virus ne fait rien à votre machine mais reste dangereux s’il retourne sur un PC.
9. Tout le monde n’a pas la chance d’appartenir à une grande entreprise ou à une prestigieuse institution, bardées de pare-feu et d’anti-spams parfaitement à jour qui évacuent les indésirables. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir l’ADSL qui permet de relever rapidement les saletés qui encombrent la boîte aux lettres.
10. Bon, c’est bien beau de se plaindre. Que peut-on faire ?
    Déjà, ne faites pas profiter les autres de votre CARNET D’ADRESSES PERSONNELLES. Évitons d’envoyer nos messages en Cc (Copie conforme), évitons de disperser l’adresse de gens qui ne nous ont rien fait. Préférons la Cci (Copie conforme invisible), parfois nommée Bcc (Blind copy carbon) qui masque les adresses des uns et des autres.
    (dans Mail (Mac OS X), la Cci s’active dans le menu Présentation>En-tête Cci.)
    Évitez aussi les transferts de messages (FW ou TR) qui laissent voir des dizaines d’adresses en clair.
11. Si votre adresse traîne en clair sur des sites internet, pensez à la maquiller (par exemple remplacer l’@ par un autre signe, ou ajouter cacaprout juste après votre nom, bref, faire en sorte que celui qui souhaite vous écrire comprenne qu’il faut démaquiller votre adresse), ou la crypter (méthode de cryptage sur http://caspam.org , le Collectif anti-spam).
    Des robots scannent les pages web à la recherche d’adresses ; pas de miracle, les robots sont capables, avec le temps, de décoder le codage. Néanmoins, codage assez efficace sur http://aspirine.org/emailcode.php
12. Les virus sont (pour l’instant) inactifs sur Mac. Si vous êtes sur PC, sans anti-virus à jour, vous pouvez vous renseignez sur les virus actuellement au menu, et télécharger des patches pour tel ou tel virus récent chez les éditeurs d’anti-virus :
    • pour Netsky :
    http://www.wanadoo.fr/bin/frame2.cg...
    • pour MyDoom :
    http://www.secuser.com/alertes/2004...
    •pour Bagle :
    http://www.secuser.com/alertes/2004...
13. Ne donnez pas votre adresse sur les sites internet ou les forums, ou alors créez-vous une adresse spéciale... qui sera rapidement pourrie.
    Ne donnez pas suite aux pétitions, chaînes de solidarité et autres messages à la con qui vous encouragent à donner votre e-mail. Ils sont un bon moyen de récupérer des adresses. Ou alors maquillez la vôtre ou donnez-en une fausse.
    Ne colportez pas les rumeurs (hoax) qui vous encouragent à « aller dans "Démarrer" pour cliquer 5 fois et demie sur un ours en peluche blond nommé Cynthiaj666.exe situé dans le coin gauche de votre lecteur C ».
    Enfin soyez bon avec vos proches, et pensez à l’environnement, il en a besoin.
14. Si vous êtes lassés de télécharger chaque jour des dizaines de messages qui ne vous concernent pas, vous pouvez paramétrer Outlook ou Entourage (sur Mac et PC) afin de lire vos messages directement sur votre serveur de courrier, effacer les indésirables ou les volumineux, et rapatrier seulement les bons. C’est du temps de gagné car vous ne rapatriez que ce qui vous intéresse. Méthode en image :
    Dans le menu Outils>Comptes, ouvrez le compte à paramétrer. Puis ouvrez l’onglet « Options" et cochez la case "Autoriser l’accès en ligne (afficher le compte dans la liste des dossiers) ».
    Un nouveau dossier portant le nom de votre compte apparaît en bas à droite dans la fenêtre principale d’Outlook ou d’Entourage. En cliquant dessus, vous vous connectez directement à votre serveur de courrier, vous pouvez effacez les messages indésirables, et recevoir les autres comme vous le faisiez avant.
    NDLR : avec Mail, sous Mac OS X 10.4 « Tiger », c’est encore plus simple ! Dans le bas du tiroir gauche des boîtes aux lettres et des comptes, déroulez le menu actionné par la roue dentée. cliquez sur l’item « Informations ». Une fenêtre s’ouvre vous donnant directement accès à vos comptes sur le ou les serveurs et vous permettant d’effacer les fameux pourriels.

Au rythme où vont les choses, si on ne se prend pas un peu plus en charge collectivement, on pourra bientôt ressortir nos plumes et nos encriers.

Je vous remercie de m’avoir prêté attention.

Vous pouvez rediffuser cette information sans modération (en Cci évidemment).

Et un peu de lecture sérieuse pour finir :

« Depuis deux ans, les spammeurs ont réussi à embaucher des auteurs de virus informatiques. Cette alliance imprévue entre "commerciaux" et "techniciens" produit des résultats spectaculaires : une première vague de courriels contient des mini-logiciels sophistiqués qui s’auto-installent subrepticement sur les serveurs des grandes entreprises ou sur les PC de particuliers dotés de connexions à haut débit. Le hacker (pirate) prend ainsi le contrôle à distance de milliers d’ordinateurs à l’insu de leurs propriétaires et crée un réseau virtuel clandestin de "machines zombies". Une fois activés, les zombies sont mis à la disposition de bandes de spammers, qui les utilisent à tour de rôle comme relais pour envoyer leurs millions de messages. Ils sont indétectables, car les e-mails semblent arriver de partout à la fois. Les coûts de fonctionnement étant presque nuls, ils peuvent désormais inonder la terre entière par inadvertance, même s’ils s’intéressent uniquement au marché nord-américain. »

Yves Eudes, "Boca Raton, capitale du spam", Le Monde, 24 décembre 2004